Flatland Trilogy - Patricia Portela

Publié le par nectar.safran@hotmail.fr

(Portugal – Belgique)

Festival Mira – Toulouse – 31 mars 2006

« (…) Flatman, a perdu sa troisième dimension et parie sur la relation vivante aux spectateurs pour retrouver un peu d’épaisseur. (…) »

Au prime abord intriguée par la présentation de cette pièce et sa durée (2h45), je tente l’aventure. Et il s’agissait bien d’une aventure !

Un premier temps nous met face à un livre-écran vidéo géant, où la voix off de Flatman nous explique son monde parallèle, un monde qui n’existe qu’à travers les mots et la lecture, où les habitants n’ont pas de 3D. La voix de Flatman nous berce, le texte est savoureux, une sorte de nouvelle surprenante, dans l’esprit de la vieille série télé « la quatrième dimension », une fiction originale et pleine d’humour.

 Très vite Flatman découvre la 3D et « le mouvement » au cœur de ce qui différencie notre dimension à celle de Flatland et l’importance du regard de l’autre pour exister. C’est au centre de la définition de l’être humain, la constitution de son être poli(s)tique et de son identité, c’est sûr, mais aussi de l’être spectateur (le regardant) et de l’œuvre d’art ; « ex »pression artistique qui a donc besoin d’un récepteur pour ne pas tomber dans le vide, mais également de cette société contemporaine dont nous découvrons tous les jours les dérives de ce besoin d’images et de voyeurisme.
A partir de sa fiction, Patricia Portela mélange tout ça, le met en échos avec une énergie communicative, et d’autant plus communicative que le spectateur va être pris en otage par Flatman lui-même et son commando de compères, obligé (gentiment, mais néanmoins sous contrat, tout le monde l’a signé) à être participatif et rien de mieux qu’une balade en bus pour commencer et briser ce fameux quatrième mur, acte terroriste théâtral.
Je n’en dirais pas plus, mais on a bien mangé et bien bu, ce shéhérazade flatmanien déploie une énergie incroyable pour rester sous nos regards, le génie de la lampe est Einstein en personne, un personnage qui rit, qui nous a donné une nouvelle compréhension de l’espace et du temps, nous a enseigné la relativité, et se retrouve à l’origine de la bombe atomique.
C’est ça un monde en 3D, traversé par des crises politiques, économiques, éthiques, il s’y passe plein de choses, des plus intelligentes aux plus saugrenues, des plus saugrenues aux plus graves, des plus drôles aux plus graves, des plus divertissantes aux plus graves.

Puis les victimes spectateurs que nous sommes sont libérés, empaquetés dans des couvertures de survie, relâchés à leur vrai vie, mais sommes nous vraiment libérés ?

 

Extraits du texte

"Mesdames et messieurs...c'est à propos du temps, que nous sommes là ce soir

Le temps, Mesdames et messieurs,

C'est à propos du temps que nous avons le temps De célébrer... ensemble...

ce soir

Je vous regarde et vous me regardez

Et aussi longtemps que durent vos regards j'ai du TEMPS dans votre monde

Le temps est la dimension qui me manquait

Le temps rend les choses réelles

Si nous tournons en boucle, mesdames et messieurs, LE TEMPS dure toujours

Un éternel présent se répète encore et encore

Dorénavant, nous devrons prendre le temps d'exister ensemble

Et je vais jouer pour vous sans interruption.

N'importe quelle répétition est une répétition.

L'illusion a des conséquences.

A ce moment précis, mesdames et messieurs, ou juste après, l'ensemble du monde pourrait s'arrêter et ne penser qu'à une seule chose, à un seul accident, à vous, victimes. Pour un moment, le monde pourra infléchir ce même monde, la construction de l'illusion et du terrorisme.

Mesdames et messieurs

Je ne vous donnerai rien

J'attends tout de vous

J'ai besoin de votre temps pour avoir le mien

Pas un temps historique, pas un temps chronologique, pas un temps social, pas un temps diplomatique, pas un temps politique.

Le temps réel est le mieux !

Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus dans une fiction en temps réel !

Flatman "

Publié dans Théâtre

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